Un havre de Paix

Port de Paix, Novembre 1710.

Les mers du Nord étaient devenues l'objet de toutes les convoitises. Les ports étaient pris d'assaut les uns après les autres par les ennemis héréditaires de la France. Inlassablement, leurs flottes prenaient de l'assurance jour après jour tandis que la flotte française restait toujours aussi modeste. Malgré la disproportion des forces, la flotte française restait toujours combative, et de nombreux compatriotes venaient grossir les rangs.

Poppea était devenue Amiral de Port Louis depuis peu.
Elle avait pris cette nomination avec honneur, mais restait humble devant la tâche, ceux qui se battaient tous les jours se sacrifiaient pour Port Louis et le rayonnement de son bon roi.

Port de paix avait changé de mains, et Poppea avait donné l'assaut décisif pour reprendre le port.
Sur les cendres encore tiède de Port de Paix, Poppea attendait Henri d'Avron pour lui remettre les clés du port.

Elle savait qu'elle ne pourrait rester que le temps d'une nuit. D'autres tâches l'attendaient déjà.
Mais ce soir, ne serait pas celui du protocole mais celui des retrouvailles de ces deux amants...

Lorsque Port de Paix fut enfin dans les mains de Poppéa, Henri pensa qu'un moment de détente serait le bien venu. La missive de l'amirale n'avait rien d'officielle et c'est avec joie qu'il mit le cap vers le petit port.
En arrivant, il ne vit que désolation. Les assauts successifs avaient eu raison de la calme beauté du lieu. Il espérait pourtant que la maison sur le port était toujours debout. Il savait que c'était là que sa belle si elle était là l'attendrai.
Il se dirigea donc une fois à terre vers le sud est du port. Tournant dans une petite ruelle, il vit avec joie que la maison était encore debout. Mieux, un mince filet de fumée sortait de la cheminée. Il se mit à courir vers la batisse, en franchit le pas de porte en coup de vent et se retrouva nez à nez avec sa douce qui était dans ses papiers.

- Poppéa enfin lança-t-il denas un souffle !

Et il l'étreignit fougueusement.

Poppea avait espéré cet instant si fort qu'elle se plongea dans les bras d'Henri.
Toutes les tensions et la pression de ces dernières semaines l'avaient abandonnées.
Les larmes lui montèrent aux yeux, elle voulut contrôler son émotion mais rien n'y faisait.


Elle releva la tête et lui sourit pour ne pas l'inquiéter.
-L'émotion surement... tu voies... tu es loin de moi trop longtemps!
Mais ne gâchons pas ce moment en reproche ou en regret...Notre vie nous l'avons choisi et nous serions bien incapable d'en vivre une autre...

Poppea embrassa Henri tendrement.
Ils s'échangèrent des nouvelles de leurs frères d'armes, des endroits en mer où ils s'étaient croisés, les aventures qu'ils avaient partagé.
Poppea écouta son récit avec avidité, elle voulait rattraper les moments qu'elle n'avait pu partager avec lui.

Du temps s'était écoulé, mais la passion était restée la même.

Depuis le début de leur retrouvailles, Henri et Poppea étaient installés à une petite table, une seule bougie éclairait la pièce. La nuit était presque tombée, lorsque le regard d'Henri se porta sur la petite fenêtre... le soir faisait son entrée, annonçant le infime temps qui leur restait.
Poppea le regardait songeur et cela l'attristait. Elle ne pouvait rien faire contre le temps qui passe...
Mais elle pouvait se résoudre à laisser ce temps précieux à la mélancolie.

Elle serra plus fort la main d'Henri.

Épouses moi ce soir! je veux être ta femme...

Henri sorti de son état de regarda éberlué Poppea.

Mais comment...

Poppea était déjà debout l'entrainant vers la sortie.

Je suis venue avec un prêtre, que je dois déposer à Marie galante... Il m'est tout dévoué... Il ne pourra refuser... Allons le trouver...


Ils se mirent tous deux à courir dans les petites rues de Totuga à perdre halène, à la recherche du prêtre...

Henri regarda Poppéa. Son regard était mêlé d'attention et de surprise. Il savait que cette soirée allait être spéciale. Voilà trop longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus pour que cela ne soit que de simples retrouvailles.
La demande de Poppéa le surprenait mais peut-être, à bien y regarder, pas tant que cela. Il la savait fougueuse, enjouée et déterminée.
Jamais malgré leur éloignement il n'avait eu le moindre doute sur l'amour qu'elle lui portait. Il espérait seulement qu'elle était elle aussi tout autant certaine de l'amour et l'attachement qu'il lui portait.

- Oui ! Faisons le ! Répondit-il sans réfléchir. Il la fixa dans les yeux et l'attira vers lui et déposa un baiser sur ses lèvres roses.

- Allons y maintenant ! Je ne saurais attendre plus longtemps.

Il l'entraina vers le port en appelant à tue tête le prêtre.

Elle la suivait en riant. Sur les docks la lune annonçait une belle journée pour le lendemain. Pour Henri cela voulait dire qu'il reprendraient chacun la mer pour aller là où leur devoir les appelait. Il n'aurait pu attendre plus longtemps.

Arrivés devant la passerelle de L'Agripine. Il la pris dans ses bras et commença à monter.

Ils arrivèrent sur le pont de L' Agrippe essoufflés mais heureux.

Ils s'arrêtèrent un instant, se regardèrent et cherchaient tous deux dans leurs regards la certitude de ce qu'ils faisaient... Ils se sourirent et rirent comme des enfants.

Poppea cria .

-Mon père!!!
Sortez de votre cachette... Vous avez un mariage à célébrer.

Tous sur le pont se figèrent et regardaient la scène.

Le père Jean sorti enfin de sa cabine, sa bible à la main, l'air sévère et amusé à la fois de voir Poppea sautiller partout.

-Et pourrez vous m'apprendre ma chère Poppea qui dois je marier aussi prestement?

- Nous mon père... Je vous présente Henri d'Avron... mon bien aimé...

Le prêtre s'inclina poliment devant Henri le toisant du regard.

- Etes vous bien sur de vous mes enfants... le mariage est chose sacrée... et on ne le fait pas sur un coup de tête.

Ils répondirent de concert.
- Oui!
- Oui!

Poppea regardait Henri et riait... son bonheur était total. Sa robe n'était pas de circonstance, son visage fatiguée par les combats... Mais au grand jamais elle n'avait été si heureuse...

Henri regardait Poppéa dans le soleil couchant. Jamais il n'avait vu plus belle femme. Sa tenue guerrière dessinait ses courbes de façon singulière.

Le prêtre après un sermon rapide sur le caractère sacré du mariage sembla ne pas vouloir insister. Un leger sourire se dessinait sur son visage. Il devait avoir vu que rien ne pourrait les séparer. Ils seraient parfois éloigné, oublieraient de s'écrire perdus qu'ils seront dans leur bataille ais leur cœurs resteront soudés à tout jamais.

L'ecclésiastique se dirigea vers sa cabine afin de préparer le sacrement. Henri héla deux marins. Ils seraient leurs témoins improvisés. Loin de leur amis ils se mariaient.

- Poppéa c'est le plus beau jour de ma vie, lança Henri dans un souffle.

Il lui étreignit la main si fort qu'elle en eut presque mal.